PLEIN POUVOIR POUR L’ADMINISTRATION FISCALE ?
Fiscalité, douanes et accises

PLEIN POUVOIR POUR L’ADMINISTRATION FISCALE ?
Le 19 juin 2025, la Cour de cassation belge a confirmé que l’Administration fiscale pouvait en principe utiliser des pièces obtenues de manière illicite, sauf dans trois hypothèses. Nous les détaillons ci-après.
Rétroactes
En octobre 2003, la Cour de Cassation avait rendu son célèbre arrêt dit « ANTIGONE ». Elle se positionnait quant à l’utilisation de preuves obtenues illégalement en matière pénale.
Depuis lors, cette jurisprudence a été intégrée à l’article 32 du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, et est désormais une règle incontournable.
En juin 2021, la Cour de Cassation (C.20.0418.N) avait considéré qu’une preuve obtenue de manière illicite pouvait également être admise en matière civile : « Sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable ».
Mais qu’en est-il en matière fiscale ?
Depuis une dizaine d’années, la Chambre néerlandophone de la Cour de cassation appliquait la jurisprudence Antigone en matière fiscale (Voy. Cass., 22 mai 2015, RG F.13.0077.N, Cass., 4 novembre 2016, RG n° F.15.0106.N, ou encore, plus récemment, Cass. 29 janvier 2021, n° F.17.0016.N et Cass., 21 avril 2022, n° F.17.0136.N ).
La Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois en assemblée plénière ce 19 juin 2025 (F.23.0037.F).
Dans cette affaire, le requérant soutenait que l’utilisation de preuve illicite s’opposait au principe de légalité (article 170§1er de la C°) et au respect du droit de propriété (art. 16 de la C. et art. 1er du Premier Protocole additionnel à la CEDH)
La Cour de cassation balaie ces arguments et rappelle la jurisprudence Antigone en confirmant que les preuves obtenues de manière illicite par l’Administration fiscale doivent être écartées uniquement dans les conditions suivantes (point 4 de la décision) :
a) si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité,
b) si l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve.
c) si l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Cette décision semble critiquable. Il existe des dispositions législatives qui déterminent les modes de preuve que peut utiliser l’Administration et qui sont déjà extrêmement favorables pour le fisc.
L’on peut notamment citer le principe du renversement de la charge de la preuve, l’utilisation de présomptions, de bases forfaitaires, les demandes d’informations aux banques, aux Etats, …
Alors pourquoi autoriser le Trésor à disposer de plus de pouvoir qu’il n’en a déjà, et à ne pas respecter les dispositions légales en vigueur ? Le contribuable semble bien démuni.
De son côté, le Gouvernement affirme vouloir créer un cadre juridique clair concernant l’utilisation par l’Administration de telles preuves. Les Ministres devraient débattre prochainement de ce point et de sa mise en œuvre concrète. Affaire à suivre, donc !
Marine LEURQUIN
m.leurquin@avocats109.be
Justine NIZET
j.nizet@avocats109.be